Est-ce que vous êtes prêts
pour le grand saut ?
Le grand saut dans l’inconnu !
Je sais pas pour vous,
mais moi, quand on me dit
ce genre d'idée, sincèrement,
ça me fait un double effet :
d'un côté, il y a un frisson d'excitation,
parce que, waouh ! La grande aventure!
et puis de l'autre,
il y a un vrai frisson d'effroi...
ça fout les jetons, ces choses-là,
vous trouvez pas ?
C’est exactement dans ce double état
que je me suis retrouvée en 2008,
quand finalement j'ai décidé de me jeter
dans la grande aventure !
Alors qu’est-ce qui fait qu’entre
l’effroi et l’excitation,
c’est l’excitation qui l’a emporté ?
Eh bien, je dois dire,
j'ai eu beaucoup de chance,
parce que j'ai été à bonne école,
j’ai eu d’excellents professeurs,
mes parents.
Alors que j'étais une toute petite fille,
j'avais environ 2 ans et demi, 3 ans,
J’ai eu la chance de croiser
sur ma route un couple formidable :
Marie-Thérèse et Michel, qui sont
devenus mes parents adoptifs.
Et quand ils ont décidé
de prendre soin de moi,
de me recueillir, ils n'en étaient pas
à leur coup d'essai :
c'était vraiment pas
leur plus grand exploit.
Il faut savoir qu'au bout de
leur grande aventure à eux,
eh bien ils auront sauvé, élevé,
une vingtaine d'enfants,
adoptés, venus du monde entier.
Alors, c'est vrai que chaque fois
que mes parents se retrouvaient
face à un enfant dont la situation
était tellement complexe
que ça faisait de lui un « inadoptable »,
ils avaient le cœur déchiré
et ils se disaient, on ne peut pas
le laisser de côté, on le prend !
Et c’est comme ça que peu à peu,
la famille s'est agrandie.
Alors ça, c'est véritablement la chose
qui m'a toujours épatée chez eux,
chez Marie-Thérèse et Michel.
C'est le fait qu'ils ne se posaient pas
mille questions avant d’agir,
ils identifiaient qu'il y avait
une urgence,
un enfant à sauver, on ne se pose pas plus
de questions, on le prend, voilà, on agit.
Et pourtant, c'était pas simple !
C'était véritablement risqué.
Parce que me parents, ce sont des gens
tout simples, du nord de la France,
ce ne sont pas des gens fortunés,
des gens riches,
et donc chaque nouvelle bouche à nourrir,
ça représentait un véritable défi.
Et pourtant, ils ont sans cesse
repoussé les limites,
c'étaient véritablement des gens
qui, finalement,
sautaient dans le vide régulièrement
sans même s'en rendre compte
et prenaient ces risques-là par amour,
tout simplement.
C'est vrai qu'on pourrait se dire,
c'est pas raisonnable,
et c'est vrai que c'est là que ça se passe,
au delà du raisonnable.
C'est là que les miracles peuvent
commencer à agir, rien de moins.
Un jour, est arrivée à la maison
une petite fille qui avait 5 ans à peine,
ma petite sœur Cathy. Cathy,
quand elle est arrivée à la maison,
elle était toute violence. Durant
toute cette petite enfance,
ses parents biologiques l'avaient
très durement martyrisée.
Ils se mettaient régulièrement en colère
parce que quand ils l'appelaient,
elle ne répondait pas.
Pas étonnant, puisque Cathy est née
sourde, sourde profonde.
Alors le seul langage que Cathy
connaissait, c'était celui de la violence.
Quand vous vous approchiez de Cathy,
elle vous tirait les cheveux,
elle vous mordait, elle vous griffait...
Pendant des mois,
à chaque acte de violence,
ma mère va répondre par une caresse.
Et jour après jour, semaine
après semaine, peu à peu,
va émerger à nouveau la véritable
nature de Cathy : la douceur.
Quelques mois à peine
après l’arrivée de Cathy,
c’est au tour de Gaston
d’arriver à la maison, d'être recueilli.
Mon petit frère Gaston, il arrive
tout droit du Cameroun, il a 6, 7 ans,
et là-bas, alors qu’il était petit,
il était tombé dans un feu
ce qui lui a donné un aspect effrayant
parce qu'il a totalement perdu son visage.
Il n’avait plus de visage.
Dans la rue, il y avait des gens
qui changeaient de trottoir, d'autres
en disant : « Enlève ton masque ! »
Ça restait un petit garçon.
Quand il est arrivé à la maison, Cathy
l'a vu de loin, et puis avec des gestes,
elle nous a montré qu’elle ne voulait pas
s'approcher de lui,
qu'elle le trouvait effrayant.
Bien entendu, personne
ne l'a obligée à s'approcher,
Et puis Cathy a commencé à l'observer,
de loin, pendant plusieurs jours.
Et elle qui est sourde, elle s'est aperçu
que Gaston était quasiment aveugle.
Parce que dans le feu,
il avait perdu un œil
et puis l’autre ne voyait plus
que quelques dixièmes.
Alors peu à peu, elle s'est
approchée de Gaston,
elle lui a pris la main et puis
elle lui a fait visiter toute la maison.
Un amour immense entre Gaston et Cathy
a commencé à émerger,
un amour immense, une tendresse
immense de frère et sœur.
Voilà, c'est ça qu'on vivait à la maison.
c'était ce quotidien-là.
Vous savez, ce genre d'aventure,
c'est pas simple,
et ça pose parfois problème
à ceux qui sont les voisins,
qui sont les gens du quartier,
qui posent un regard critique.
Mes parents ont été très critiqués,
voire jugés, on les traitaient de fous,
d'illuminés… Vous savez,
le jugement peut être très sévère
pour ceux qui essayent
de faire bouger les lignes,
qui décident d'agir de façon hors norme.
Pourtant, ça vaut la peine.
Alors... vous savez, il y a cette phrase
de Saint Augustin qui dit :
« La mesure de l'amour,
c'est d'aimer sans mesure. »
Je crois que ça s'applique véritablement
à ce que mes parents ont voulu vivre.
Alors voilà, en 2008, j'ai toutes
ces valeurs-là
qui remontent dans mon cœur,
dans mon esprit
et ça fait le big bang en moi.
Et c'est à ce moment-là
que j'ai décidé véritablement
de faire le grand saut.
Moi, je suis journaliste,
j’adore mon métier.
À ce moment-là, quand tous ces souvenirs
remontent dans ma mémoire,
je réalise que finalement,
des gens comme mes parents,
ce sont des héros. Des héros
modernes, des héros de l’amour,
des héros dont personne ne parle,
des héros de l’ombre, des héros humbles.
Parce qu'ils n'ont jamais fait
quoi que ce soit
pour avoir la lumière ou
pour avoir la gloire.
Et je me suis dit, mais en fait, des gens
comme ça, il y en a plein autour de nous,
mais on n'en parle jamais.
Et il est temps d'en parler.
Et donc je me suis dit, c'est ça
que j'ai envie de faire aujourd'hui.
Alors c'est là véritablement
que j'ai fait le grand saut,
c'est-à-dire j’ai quitté le monde
des médias traditionnels,
les émissions habituelles
que j'avais l'habitude de présenter,
pour créer une toute nouvelle structure
avec laquelle je produis
des contenus médiatiques
de façon assez originale
car totalement philanthropique.
Ça s’appelle Le Projet Imagine ;
en anglais, The Humble Heroes,
les héros humbles. Avec le Projet Imagine,
je vais à la rencontre
de toutes ces femmes et ces hommes
qui osent, qui vont véritablement
à la conquête de territoires inconnus,
qui y croient. En fait, ces hommes
et ces femmes ont identifié
auprès d'eux, tout autour d'eux,
des problématiques de société,
des problématiques différentes
qui les ont tellement touchés
ou qui les ont révoltés, en tout cas,
ils se sont dit, moi maintenant,
je remonte les manches et je vais
dans l'arène, j'y vais ! Je vais agir.
Et faire leur portrait, c'est
véritablement un privilège.
Parce que c'est là qu'on se rend compte
que tout est possible, c'est ça
le message qu'ils nous font passer :
tout est possible, et ça vaut la peine.
Et c'est dans nos mains,
ça viendra pas d'en haut,
ni des politiques, c'est dans nos mains !
Parce que clairement, si chacun de nous,
ici, on décide d'agir,
avec nos petits moyens, eh bien,
le monde va changer.
C'est vrai que très souvent,
ces héros, ces héroïnes,
font avec très peu de moyens.
C'est des gens qui nous ressemblent,
ils n'ont pas forcément
le porte-monnaie de Bill Gates,
ils n'ont pas non plus forcément
le cerveau d'Einstein,
mais ils ont cette fameuse niaque,
ils ont cet esprit de conquérant.
Ça, c'est leur richesse.
Et véritablement,
ils font bouger les lignes,
ils repoussent les limites du possible.
Donc c'est une source
d'inspiration extraordinaire.
Donc, on est en 2008 quand
je décide de faire le grand saut.
Mais vous l'avez compris,
à ce moment-là, je flippe !
Franchement, j'ai les jetons !
J'ai peur !
Et c'est normal que j'aie peur,
parce qu'on est pas naïf,
on sait que la vie n'est pas simple,
tout n'est pas rose,
et effectivement, d'abord, ça va pas
être le succès, ça va être le combat.
Je vais d'abord traverser
un an et demi de désert.
Vraiment la galère. J'ai plus de boulot,
j'ai plus de fric,
je sais plus comment payer mon loyer,
franchement, c'est la totale !
Mais quelque chose en moi
ne s'écroule pas.
Il y a quelque chose en moi,
dans mon cœur qui reste vigilant,
qui reste en état d'alerte. J’attends
quelque chose, j'attends le miracle.
Parce que vous l’avez compris,
dans ma famille,
on est devenu accro aux miracles !
Et un des plus beaux miracles
qu'on a eu la chance de vivre,
ça a été l’arrivée de
mon petit frère Pierre-Vincent.
Un jour, mes parents entendent
parler d’un petit garçon de 2 ans et demi
qui est dans une pouponnière à Tours.
Ce petit garçon, il y a urgence,
parce qu'en fait les services sociaux...
une pouponnière ne garde que
des tout petits enfants, voire des bébés,
Et donc, il est arrivé à un âge limite.
Les services sociaux
n’ont rien trouvé d'autre
que d'envisager un transfert
dans une institution psychiatrique
alors que ce petit garçon
est totalement sain d’esprit.
Alors, qu'est-ce qui fait
que les services sociaux
ne savent pas quoi faire
de ce petit garçon ?
Eh bien, Pierre-Vincent a été abandonné
à la naissance alors qu'il est né
sans bras et sans jambes.
Mes parents sont partis à
Tours lui rendre visite,
et pour ne pas l’effrayer, ils ont dû
endosser une blouse blanche
parce qu'il n'avait jamais vu d'autres
personnes que du personnel de santé.
Et donc ils ont endossé cette blouse
blanche pour ne pas l'effrayer.
Ils ont rencontré ce petit garçon
et ils sont tombés littéralement
amoureux de ce petit garçon.
Mais ils ne sont pas totalement fous…
même si un petit peu quand même !
Ils avaient bien conscience
de l'immense responsabilité
que ça représentait alors qu'on était déjà
une bonne douzaine d'enfants
en bas âge à la maison.
Et donc, quand ils reviennent, pour
la seule et unique fois de notre histoire,
ils nous ont rassemblés dans le petit
salon de la petite maison de l'époque,
et ils nous ont raconté.
Ils nous ont dit la situation
de Pierre-Vincent, il nous ont parlé
de ce petit garçon qui n'a
ni bras ni jambes, et ils nous ont dit :
« En fait, on veut vous demander
la permission,
parce que véritablement il faudra
être attentif à ses moindres besoins
et donc on aura besoin de vous.
Alors on vous laisse la journée
pour réfléchir et puis ce soir,
vous nous direz votre réponse. »
Moi, je me souviens très bien,
avec ma sœur Hélène,
qui est de Bangalore, Inde du sud,
-- Il faut savoir que sur son dossier,
il était marqué « trop foncée » ;
je sais pas si on oserait
le marquer noir sur blanc aujourd'hui,
mais pourtant, je crois
qu'on peut rester vigilant --
Alors on est montées dans ma chambre avec
ma sœur Hélène, de Bangalore, Inde du sud,
et puis avec ma sœur Virginie
qui de Corée du Sud,
on a pris une de nos poupées préférées,
on lui a enlevé les bras et les jambes
pour regarder, c'est quoi le problème
exactement ? On l'a regardée, comme ça.
Parce que, vous savez, les enfants,
c’est très concret !
Puis en regardant cette poupée,
mais ça nous a paru évident que
ça restait un petit...