Quand vous serez bien vieille
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en
vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.
Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à
demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant
votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux je
prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez,
n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.
Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578